J'adore Astahi. Vraiment. Les tours sont splendides, le bâtiment magnifique, l'environnement magique. Je ne sais vraiment pas ce que je serais devenue si je n'avais pas reçu cette lettre, ce matin-là, où, des cernes jusqu'au nombril, ma mère m'a annoncé que je rejoindrais Jun pour mes études. Je n'ai pas saisi le sens de ses mots, pas compris pourquoi son visage était si enjouée, pourquoi ses traits étaient bloqués dans cette expression de si grande fierté qu'elle n'avait plus quitté depuis le jour qu'Oppa avait quitté la maison pour se rendre à Astahi. Il m'a fallu une bonne dizaine de minute pour comprendre que ma vie allait changer du tout au tout. Même si je n'aurai jamais deviné que ce soit à ce point.

Bref, j'aime cette école. Mais s'il y a vraiment quelque chose que je ne supporte pas, c'est la langue draconnique. Sans me vanter, je suis une -très- bonne élève. J'ai toujours su que pour gagner ma vie un jour, il faudrait que je travaille sans cesse, que je me donne tous les moyens pour être la meilleure parmie tous. Et jusque là, je m'en étais pas trop mal sorti ! Mais Astahi est tellement différent. Alors que tu croyais tout avoir acquis, tu plonges toute nue dans un nouveau monde où l'on t'apprend que tout ce que avais toujours cru, tout ce que tu avais toujours su n'est rien. Tu redeviens un grand enfant ou un rien ne t'enchantes, où la moindre saveur te paraît différente. Les dragons sont évidemment le principal bouleversement de cette nouvelle vie et ils dirigent tout. J'ai appris à regarder autour de moi. J'ai presque appris à respirer différemment.

Mais même si ce lieu est le plus grand bouleversement de ma vie, je ne peux pas m'empêcher d'avoir cette petite voix derrière l'oreille qui me siffle, de sa voix doucereuse "Tu aurais pu tout découvrir avant... tout ça ne te serait pas inconnu... Si seulement il avait eu confiance en toi..."

Un craquement sonore retentit dans la salle de classe des premières années. Il n'était pas si important, mais si soudain dans le silence régnant dans l'habitacle que l'ensemble des têtes se retournèrent vers la perturbatrice. Celle-ci marmonna un léger "Désolée...", tout en cachant de sa main les deux morceaux bien distincts d'un crayon à papier entier quelques secondes auparavant. A la suite de quelques haussements de sourcils, l'ambiance maussade recouvrit son silence et seuls les grattements des plumes se firent attendre. Jun Roo marmonna, rangeant la feuille où, distraitement, elle avait commencé à écrire : "Oppa. J'espère que tu sais que je te déteste !"

C'était la première fois que la coréenne avait été aussi peu concentrée lors d'une heure de cours. A peine attentive, ses yeux avaient ainsi détaillé l'ensemble de la classe. Elle avait analysé avec précision le pull de son voisin de devant, compté le nombre de carreaux aux fenêtres (cinquante-quatre), et observé avec grand intérêt la course d'une fourmi voulant apparemment rejoindre sa fourmilière avec une miette de pain qui n'y rentrerait pas. Ses mains avaient joué un long instant avec l'ensemble de ses stylos, quand, sans vraiment y réfléchir, elle écrivit. A tout le monde, à personne, à elle-même. Lorsqu'enfin, la fin du cours sonna, elle avait fini son texte, l'avait illustré d'une dizaine de fleurs et d'escargots et l'avait fourré dans son sac. Elle quitta la salle de cours la première.
Un sourire ourla les lèvres de la jeune femme lorsque, d'un bond, un dragon argent sauta dans ses bras pour s'y blottir. Aussitôt, la coréenne colla sa tête contre la sienne, tout en le saluant.

"Shouuuu, comme la matinée m'a paru longue ! Tu crois que je ne t'ai pas vu t'endormir ?"
"..."

D'un oeil faussement accusateur, la jeune femme frotta la tête de son dragon.

"Ouais. Allez, allons manger quelque chose avant d'aller au prochain cours."

En réalité, Jun Roo n'avait pas réellement faim. Le petit-déjeuner de ce matin lui avait apparemment suffit et elle se rendait lentement au réfectoire que par habitude, presque obligation. Comme si Eomma Seo était à son oreille à lui souffler des ordres maternels types, avec son regard menaçant et ses yeux accusateurs. Elle ne vit pas le moins du monde le garçon, au tournant du couloir, trop occupée à discuter avec Shou qui, comme à son habitude, répondait par monosyllabe ou ne répondait pas du tout. Elle ne vit pas le visage de la personne qu'elle avait décidée enfantinement de rayer de sa vie et encore moins, son sac qui s'ouvrit à ce moment-là, vomissant ses affaires par terre en un grand fracas. Ô malheur, ô désespoir !

Lorsqu'elle releva les yeux, et qu'elle aperçut en un quart de seconde son frère qui avançait dans sa direction, elle se baissa aussitôt, essayant de rassembler aussi vite possible l'ensemble de ses affaires. Shou, serviable, l'aidant dans cette tâche ne se doutait pas une seconde de la scène qui allait suivre. Jun Roo, elle se contentait de se répéter "Dépasse moi. Passe ton chemin. S'il te plaît."

« Prend soin de ta sœur mon grand, à présent que vous êtes ensemble, ton père et moi somment certains de votre vie scolaire se déroulera bien, après tout, vous avez toujours été si proches.
J’espère que l’école plait à Junroo, et qu’elle à vite prit ses marques. Dis lui de nous ecrir, nous vous embrassons fort.
Papa, maman. »

Hyeong Jun avait longuement soupiré le jour où il avait reçut cette lettre, comment expliquer à ses parents si aimants envers leurs enfants que la situation était des plus glacées entre lui et sa petite sœur depuis son entrée à Astahi.
Eux qui c’étaient toujours tout dis, eux qui avaient été si proches, si protecteurs l’un envers l’autre, cette fois il n’avait pu lui dire toute la vérité. A contre cœur, mais il n’avait pu lui expliquer ce qu’y se passait dans cette école. Pourquoi il ne sortait que très peu, pourquoi il avait à présent quelques cicatrices sur ses avant bras et que son corps c’était légèrement façonné et musclé, malgré le faite qu’il n’avait jamais été très inspiré par le sport, lui qui avait toujours eut le nez dans les livres ou dans les nuages, il se retrouvait à présent à les toucher du bout du doigt solidement cramponné aux écailles d’Arkan, sur l’épaisse scelle en cuire adapté au turbulent dragon bleu.
Depuis la réception de la lettre, Hyeong Jun la regardait en permanence, lui qui avait prit l’habitude de répondre avec rapidité, cela faisait déjà plus d’une semaine, qu’il laissait la réponse trainer, d’un car il ne savait pas quoi répondre, et de deux, car ce qui le préoccupait le plus à l’heure actuelle était cet indifférence et ce mutisme quasi-total dans lequel Junroo c’était enfermée en sa présence.
Son œuf avait éclos, libérant un adorable dragon d’Argent au caractère bien différent du beau bleu qui accompagnait ou qu’il le Gong-gi.
Hyeong Jun aurait tellement voulut être aux côtés de Roo, l’accompagner dans la découverte de son dragon, retrouver un lien fraternel, mais pour le moment, elle restait à distance et extrêmement froide à son encontre, et aucun réel contact n’avait pu s’établir entre eux, ce qui peinait beaucoup le jeune dragonnier.
Son cours de magie élémentaire venait de prendre fin et avec tous les courants d’airs que les élèves Gong-gi avaient pu produire, la chevelure pourtant habituellement si nette et bien peignée du jeune homme était en bataille, l’élève de la tour de l’air accompagné de son jeune dragon qui avait daigné pour une fois se miniaturiser, solidement installé sur son épaule, sillonnait les couloirs, passant sa main dans sa mèche coloré afin de la remettre en place. Ses doigts étaient encore parcourut par quelques étincelles électriques qu’il avait provoqué pendant le cours.
En arrivant au refectoire, il évitât de peu de rentrer dans un groupe de jeunes gens de première année et se retrouvât durant une scène qui lui fit un pincement au cœur. Sa petite sœur était accroupis, ses longs cheveux brun lui barraient le visage, et ramassait ses affaires éparpillées sur le sol. Remontant la lanière de son sac sur son épaule libre, le dragonnier s’avançât vers elle, un sourire tendre sur les lèvres et s’accroupit afin de l’aider, ramassant une petite pile de feuilles comportant des annotations dans la jolie écriture de la coréenne, qu’il connaissait si bien.
Hyeong Jun ne voulait pas s’immiscer dans la vie de sa sœur, si elle ne le souhaitait pas, il n’avait pas non plus l’intention de lire ce qui était écrit sur la feuille, mais ses yeux avaient à peine survolé le bout de papier, qu’il remarquât son nom, écrit là. Son cœur se réchauffât durant une fraction de secondes avant de rebattre correctement dans sa poitrine.
Il avait eut l’impression désagréable jusqu’ici que la jeune femme l’ignorait pour le rayer complètement de sa vie, mais ce n’était peut-être pas le cas, peut-être que Roo lui en voulait tout simplement. Hyeong Jun préférait cela étrangement, au moins il continuait de faire parti de sa vie, même si cela n’était plus aussi positif qu’avant.
Sans chercher à en lire d’avantage. Jun rendit les feuilles à Roo afin qu’elle puisse les ranger dans son sac et avec un ton qui se voulait rassurant et protecteur, il osât enfin s’adresser à elle.
« Tu devrais faire attention, il y a du monde qui passe ici, les humains peuvent t’éviter, les dragons c’est moins sur … je vais t’aider à ramasser tes affaires. »
Il faut l’avouer, il n’avait jamais été très bon pour faire des blagues, il était bien meilleur en tant que grand frère protecteur, mais lorsqu’il s’agissait de détendre l’atmosphère, il avait bien souvent tendance à s’emmêler les pattes.

Sa prière fut vaine. Dès que la coréenne sentit la présence de son frère à ses côtés, ses membres se crispèrent un peu plus, sa machoire serrée si fort qu'elle en devenait douloureuse. Du coin de l'oeil, elle eut tout juste le temps d'observer les gestes précis du jeune homme qui était apparement venu à sa rescousse, que les mots écrits sur la feuille qu'il tenait entre ses longs doigts pâles lui sautèrent aux yeux. "Oppa... J'espère que tu sais que je te déteste !" « Tu devrais faire attention, il y a du monde qui passe ici, les humains peuvent t’éviter, les dragons c’est moins sur … je vais t’aider à ramasser tes affaires. » Lorsque Hyeong Jun les lui rendit, Roo faillit lui arracher des mains. Pourquoi avait-il fallu que ce soit ces feuilles-là ? Elle avait au moins six cahiers relatant de six matières différentes et il avait fallu que ce soit ces feuilles là qui s'échappent de son sac ?! D'un mouvement brusque, elle les rangea, les fourrant violemment entre deux cahiers. Ses mains en tremblaient presque. Elle se détestait. Non mais quelle idiote ! Et lui, oh lui ! Pourquoi avait-il fallu qu'il l'aide ? Lui avait-elle demandé quelque chose ? N'avait-elle pas été claire pendant ces deux derniers mois à ne plus lui adresser ne serait-ce qu'un signe, un sourire, un regard ? N'avait-il pas compris qu'en lui cachant une des choses les plus importante de sa vie, il l'avait perdu ?
Le visage fermé, les traits froids, la jeune femme se releva alors que Shou venait de remonter sur son épaule.
Le petit dragon Argent lui, regardait les deux garçons avec une curiosité feinte. L'humain connaissait visiblement sa dragonnière. Ses gestes étaient doux, sa voix agréable. Et son visage... Il lui rapellait beaucoup celui de la jeune fille. Etait-il de sa famille ? Un cousin, un frère ? Peu importait le lien de parenté que les deux jeunes gens partageait, la tension de la jeune femme était si palpable que le petit dragon ne put s'empêcher de ressentir une pointe de nervosité à son tour. D'un oeil méfiant, il détailla du regard le dragon bleu miniaturisé qui était lui aussi perché sur l'épaule de son dragonnier. Quelle taille pouvait-il faire ? Il était certainement au stade III de sa forme. Autant dire que Shou était une crevette en comparaison.
Elle, restait silencieuse. Enmurée dans son silence, elle restait immobile, arrangeant son sac pour occuper ses mains. Elle n'avait rien à lui dire. Elle n'avait plus rien à lui dire depuis un bon moment en réalité. Toutes ces lettres qu'ils avaient échangé, toutes ces banalités. Ces mensonges. Elle avait compris désormais et refuser de remuer le couteau dans la plaie encore une fois.
Rapidement, elle releva la tête pour plonger ses yeux dans les siens et dire d'une voix froide, dénué de tout enjouement qui l'accompagnait habituellement :

"Hyeong Jun... Ne fais plus ça, s'il te plaît."

Elle l'avait appellé par son prénom entier, chose qu'elle n'avait plus fait depuis... si longtemps qu'elle même ne s'en souvenait pas. Les "Oppa", elle avait décidé de ne plus les employer. Les "Jun" n'avaient plus aucune signification. Ce n'était plus que "Hyeong Jun" et uniquement "Hyeong Jun". Autrement, elle se mentirait à elle même, à lui, à tout le monde. Alors, désireuse d'aller jusqu'au bout de son idée, elle continua :

"Si tu me voies comme ça, dans un couloir à ramasser mes affaires tombés par terre, ne m'aide pas. Si quelqu'un m'ennuie, ne t'interpose pas. Si je tombe, ne me relève pas. Si je n'arrive pas à attraper quelque chose qui est bien trop haut pour moi, ne le prend pas pour moi."

Un mince sourire apparut sur ses lèvres en une fraction de seconde. Un simple étirement de lèvres, ironique. Est ce qu'elle avait déjà pensé parler comme ça à son frère ? Jamais. Pour lui, il était l'exemple parfait. La personne à qui elle voulait tellement ressembler. Fière, droit. Une des personnes qu'elle aimait le plus au monde. A présent, elle ne voulait simplement ne plus le voir, l'entendre.Même son odeur, elle voulait l'oublier.

"Oublie moi, d'accord ? Fais comme-ci je n'étais pas là, comme si j'étais quelqu'un d'autre. Fais comme ci j'étais rentrée dans cette universitée de médecine et... que je ne sais toujours rien sur Astahi. C'est le mieux n'est ce pas ?"

Elle ne voulait pas avoir de longue conversation avec lui, ne voulait pas entendre les multiple raison qui l'ont poussé à ne pas lui dire la vérité. Tout ce qu'elle voulait c'était partir. Et s'enfouir sous sa couette.