Posé devant l'une des fenêtres de la tour, je réfléchissais à la façon dont j'allais occuper ma journée. Sur le coup, rien ne me vint à l'esprit, si ce n'était de m'occuper de mon œuf comme je le faisais maintenant depuis mon arrivée ici. Jamais je n'aurais cru que s'occuper d'un œuf de lézard pouvait demander autant de patience et de détermination. Mais j'étais déterminé à le faire éclore ! Rien ne pourrait m'empêcher de voir le petit être qui se trouvait dans cet œuf ouvrir les yeux. Même si ma maladresse avait l'air de souhaiter le contraire. Ce pauvre petit dragon avait déjà tellement vécu, avant même d'avoir vu la lueur du jour. Si bien que dans la chambre, j'essayais de ne pas m'en approcher afin de ne pas créer d'accident. De manière générale, j'évitais tout simplement les contacts avec l'œuf. J'étais terrifié à l'idée qu'un simple contact puisse le détruire. Pourtant, nous n'allions pas pouvoir rester enfermé dans la chambre lui et moi. Surtout moi ! Par pitié laissez-moi au moins aller courir une petite heure en toute tranquillité ! Tapant ma tête contre la vitre en verre qui se trouvait en face de moi, je sentais toute mon âme me quitter lentement. Reposant ensuite mes yeux sur l’œuf qui se trouvait sur mon lit, précieusement enveloppé dans des draps, je me demandais quand il allait éclore et surtout quel type de dragon ça allait être. Enfin, vu le bleu de l’œuf, je n’avais quasiment aucun doute sur le fait que ça serait un dragon des mers.

C’est alors que plusieurs questions sur cette espèce envahirent ma tête. Etant donné que j’ai tout sauf un expert en dragon pour le moment, la plupart de mes questions restèrent sans réponses. Me redressant doucement, je me mis à faire les cent pas dans la chambre, réfléchissant à tout cela. Saisissant un sac à dos dans lequel je rangeais une pochette et des stylos, je me décidais à me rendre à la bibliothèque faire quelques recherches. Posant à nouveau mon regard sur l’œuf, j’eus un moment d’hésitation. D’un coté, je ne voulais pas l’emmener, ne souhaitant pas avoir d’accident avec lui dans mes bras, mais d’un autre côté, le laisser ici ou à la garderie ne m’inspirait pas confiance. Saisissant doucement l’œuf pour le caser sans risques dans mes bras, je me décidais ensuite à quitter la tour pour rejoindre la bibliothèque.

La bibliothèque… Ces livres, cette odeur de vieux papiers, et ce silence. Tant de raisons qui faisait que je n’appréciais pas plus que cela le lieu, mais bon, certaines fois, il est question de ce faire un peu violence. Parcourant les allées à la recherche d’un livre sur les dragons d’eaux, je finis par rapidement trouver mon bonheur. Posant mes affaires, ainsi que mon œuf à quelques mètres de l’endroit ou se trouvait le livre – par simple précaution – je commençais alors à le tirer doucement vers moi. Voyant que celui-ci me faisait de la résistance, je décidais de tirer d’un coup sec dessus. Je réussis enfin à le sortir de l’étagère, mais ce fut sans prévoir qu’une vingtaine d’autres finiraient par me tomber dessus dans un énorme fracas, avant de me plaquer au sol sous leurs poids.

Me frottant vivement la tête avait la paume de ma main, j’ignorais que les livres pouvaient faire aussi mal. Regardant furieusement les livres à côté de moi, on aurait presque pu croire que j’attendais des excuses de leurs parts. D’ailleurs, si les livres avaient su parler, je leurs aurais réclamé des excuses. On n’agresse pas les gens comme ça sans raison ! Je crois que la bibliothèque me détestait plus que je ne la détestais. Me relevant doucement je fus surpris en entendant une voix. De plus, la voix d’une jeune fille. Celle-ci me demanda si je n’avais pas pu faire attention. Non, bien sur que non ! Ca m’amuse de recevoir une dizaine de livres sur la tronche ! Ce que ça pouvait être cruche une fille par moment… Commençant comme elle à ramasser des livres pour aller les poser sur la table, je remarquais sur le retour que je n’avais même pas vérifié l’état de mon œuf. Retournant à ses côtés en courant, je le saisis doucement dans le but d’être certain qu’il n’avait rien. J’avais bien fait de le poser loin du livre que je voulais ! Je n’ose pas imaginer ce qui se serait passé si je l’avais posé juste à coté. Le posant avec mes affaires sur la table, j’espère que là, il ne risquerait rien également. J’y posais également le livre que je voulais lire, afin de ne pas le mélanger avec les autres.

La voix de la jeune fille s’éleva à nouveau, me disant de ne pas tirer aussi fort la prochaine fois. C’était pas bientôt fini les reproches là ? La fixant quelques instants je me demandais pourquoi les plus jolies ressentaient-elles continuellement le besoin d’être désagréable. Hum… Même si elle n’en avait probablement rien à faire, je tentais tout de même d’expliquer mon cas.

« C’est pas ma faute, j’ai essayé de le prendre doucement, mais il voulait pas venir ! C’est pas comme si ça m’amusait de ramasser des livres tu vois ! »

Me dirigeant à nouveau vers les livres étalés au sol, j’en ramassais trois avant d’aller les reposer à nouveau sur la table. Je remarquais alors un livre ouvert sur la table. Je le refermais en marquant la page pour en lire le titre. Un conte ? Pourquoi pas ! N’ayant pas vraiment le courage de lire moi-même le résumé, je préférais demander tout simplement à la jeune fille les grandes lignes de l’histoire, le remettant à la page à laquelle je l’avais trouvé.

« C’est un conte ? De quoi parle t-il ? »

Faisant à nouveau quelques mètres pour ramasser les derniers livres qui se trouvaient au sol, je ne mis pas longtemps avant de les lâcher à nouveau en m’agenouillant, prit par un vertige. Je posais ma main sur mon œil droit en fermant également le gauche en attendant que ma tête arrête de tourner. Me relevant difficilement quelques secondes plus tard, je me dirigeais vers la table pour fouiller mon sac à la recherche d’un médicament. Avalant à sec un comprimé contre le mal de tête, je ramassais les derniers livres pour les poser sur la table avant de me laisser tomber sur la chaise la plus proche. M’adressant à nouveau à la jeune fille, je n’eus tout de même pas le courage de relever la tête pour la regarder.

« Dit, demoiselle ! T’en connais beaucoup des histoires ? Tu m’en racontes une ? »